Malgré un repli du marché de l’étiquette en 2023, ce groupe continue d’investir dans les entreprises, les machines et les hommes.
Alors que le marché de l’étiquette attire les investisseurs, Stratus Packaging a tenu à garder son indépendance pour mener à bien sa stratégie de développement tournée vers l’innovation et le développement durable. Lors d’un entretien qui s’est tenu à Viriat cet été, Isidore Leiser, le président du groupe, a accepté de répondre à nos questions pour nous éclairer sur sa stratégie et évoquer l’actualité du groupe qu’il dirige depuis dix-sept ans.
Caractère : Pouvez-vous nous présenter brièvement Stratus Packaging ?
Isidore Leiser : Stratus Packaging est un groupe indépendant spécialisé dans l’impression d’étiquettes adhésives, d’étiquettes dans le moule (ou IML) et de manchons rétractables. Notre groupe réalise un chiffre d’affaires de 89,3 millions d’euros, avec un effectif de 450 personnes, réparties sur sept sites de production, dont six en France et un en Suisse. Plus de 80 millions de mètres carrés d’étiquettes sont transformés chaque année. L’entreprise exploite 59 lignes d’impression et 40 lignes de contrôle, toutes équipées, ou presque, de contrôles par caméra, ce qui nous permet de garantir la qualité finale du produit.
C. : Quelle est l’actualité du groupe ?
I. L. : Nous venons de fêter les 50 ans du groupe. À cette occasion, nous avons organisé, en juin dernier, une journée portes ouvertes sur le site de Viriat, chez Stratus SEEC (voir les photos page 32). Les invités ont pu découvrir la diversité de notre parc machines en prépresse, impression et finition, à partir duquel sont fabriquées aussi bien des étiquettes adhésives que des IML. Notre savoir-faire autour du recyclage, de l’écoresponsabilité, de l’innovation, de la RFID ou des manchons rétractables a été mis en avant à travers des visites thématiques. En marge des visites, nous avons organisé une grande soirée à laquelle étaient conviés tous les collaborateurs du groupe. L’occasion de les remercier pour leur implication et de partager un bon moment tous ensemble.
C. : Pourquoi avoir choisi de célébrer l’anniversaire du groupe sur le site de Stratus SEEC ?
I. L. : C’est le berceau du groupe. Mon père a lancé l’aventure de Stratus Packaging en 1986 en reprenant SEEC, une entreprise spécialisée dans les étiquettes. C’est donc ici que notre aventure industrielle a commencé et où de nombreux projets ont vu le jour par la suite. Aujourd’hui, Stratus SEEC est le site le plus important du groupe avec 140 employés. Il possède deux usines distinctes : l’une est dédiée aux étiquettes numériques et flexo, et l’autre est spécialisée dans la fabrication d’IML selon la norme BRC.
C. : Quels investissements avez-vous réalisés récemment sur ce site ?
I. L. : Nous venons d’installer une presse flexo Bobst M6 en 7 couleurs et laize de 670 mm, fonctionnant en multichromie, ce qui la prédestine à l’IML et aux manchons rétractables. L’année dernière, nous avons aussi investi dans un système de façonnage numérique ABG Digicon pour accompagner nos presses HP 6800 et HP 25000. À l’échelle du groupe, je dirais que l’automatisation est également un axe permanent d’évolution. En flexographie comme en numérique, nos machines sont de plus en plus connectées. C’est pourquoi nous travaillons aujourd’hui sur l’implémentation d’un nouvel ERP, qui va nous permettre de poursuivre cette logique de connexion et d’intelligence artificielle.
Isidore Leiser président du groupe Stratus Packaging
Après avoir obtenu un diplôme d’école de commerce en 1991 à Bruxelles, Isidore Leiser a commencé sa carrière en tant qu’ingénieur commercial au sein du groupe KPMG, où il a occupé différentes fonctions pendant cinq ans. En 1996, Isidore Leiser rejoint l’entreprise familiale SEEC Étiquettes. Il a ensuite participé à la reprise d’Etinord en 2000, puis de Martin en 2001, ce qui a conduit à la création du groupe Stratus Packaging. Depuis 2007, il en est le président et n’a cessé de développer le groupe grâce à des opérations de croissance interne et externe, ainsi qu’à une diversification des produits et des services.

C. : Outre la flexo et l’automatisation, avez-vous poursuivi, au sein du groupe, vos investissements en impression numérique ?
I. L. : Nous avons en effet renforcé et modernisé nos capacités d’impression en acquérant deux presses numériques HP Indigo 6K, une pour le site de Limoges, et une autre pour le site suisse, respectivement installées en mai et cet été. Deux lignes de finition ABG Digicon ont elles aussi rejoint récemment les ateliers de Stratus Digital Nord et de Limoges, exclusivement spécialisés en numérique. Outre ces deux sites, les autres usines travaillent à la fois en flexo et en numérique. Nous considérons que les deux procédés sont complémentaires pour répondre le plus efficacement aux demandes de nos clients.
C. : Vous avez récemment conclu deux accords avec des acteurs européens de premier plan. Pourquoi ?
I. L. : Face à l’émergence de groupes de plus en plus puissants en Europe, nous avons jugé utile de conclure des partenariats avec des entreprises européennes indépendantes. En mars 2024, nous avons signé une alliance avec Geostick, l’un des principaux fabricants d’étiquettes adhésives des Pays-Bas, et Nordvalls, une société suédoise réalisant un chiffre d’affaires de 100 millions d’euros avec 300 employés, conçue sous le principe d’une fondation. Cette alliance stratégique nous permet de consolider nos parts de marché et notre présence sur le marché européen, mais également d’innover et d’améliorer nos offres de services et de produits. Ce partenariat favorise, par ailleurs, le partage de compétences et de savoir-faire liés aux équipements et aux procédures, dans le but d’accroître leur efficacité. Il permettra également à chaque fabricant d’étiquettes d’élargir son offre et de proposer des produits qui ne sont pas toujours de leur propre compétence.
C. : Beaucoup d’entreprises choisissent de s’adosser à des fonds d’investissement. Avez-vous été approché ?
I. L. : Bien sûr, nous avons été sollicités, mais, pour l’instant, je n’y suis pas favorable. Je dois dire que j’ai besoin d’adhérer à un projet ou une stratégie à long terme à laquelle je crois et qui a du sens pour l’entreprise et nos clients. Je pense, par exemple, qu’investir dans l’innovation est fondamental pour aider nos clients à faire face aux défis environnementaux qui se présentent. Comme nous l’avons montré lors de nos portes ouvertes, Stratus Packaging propose de nombreuses innovations, mais le retour sur investissement ne se fera, le plus souvent, que dans cinq à dix ans, ce qui est un cycle trop long pour des fonds d’investissement.
C. : Quelle est votre stratégie en termes de croissance externe ?
I. L. : Nous avons des projets, mais nous devons rester prudents et continuer d’avancer à une vitesse maîtrisable. Il y a un an, nous avons réalisé une opération importante en intégrant Décomatic, une entreprise de 120 personnes spécialisée dans la fabrication d’étiquettes, de manchons et de pochettes, réalisant 18 millions d’euros de chiffre d’affaires. En 2022, nous avons investi, pour la première fois hors de France, en rachetant Koch AG, une société de 45 personnes située à Saint-Gall, en Suisse. Dans les prochaines années, Stratus Packaging devra poursuivre sa stratégie de croissance externe, notamment à l’étranger, avec des entreprises qui partagent nos valeurs et nous permettent de nous implanter dans de nouveaux territoires.
C. : Comment voyez-vous évoluer votre principal marché, qui est celui de l’étiquette agroalimentaire ?
I. L. : Le marché a été déstabilisé par plusieurs crises. Après le Covid et ses conséquences positives inattendues sur les volumes est venue la crise papetière de 2022, qui, face à la peur de la pénurie, a provoqué un surstockage des marques. Il en a découlé une baisse assez logique de la demande en 2023. Pendant ce temps, l’économie mondiale a été frappée par l’inflation, qui a entraîné une baisse de la consommation des produits alimentaires ou cosmétiques. Tout cela a généré de l’inquiétude et une certaine forme d’attentisme chez nos clients. Le flou qui a régné autour de la réglementation PPWR sur l’emballage et les déchets n’a fait qu’amplifier le manque de visibilité. Une telle loi demande en revanche de l’accompagnement. Comme l’emballage va évoluer, l’étiquette doit également s’adapter.
C. : Vous parlez de changement. Comment accompagnez-vous cette mouvance écologique ?
I. L. : Il existe une forte demande pour des produits plus écoresponsables à laquelle nous répondons par une plus grande diversité de matières recyclables. Il s’agit aussi d’imprimer de la façon la plus respectueuse de l’environnement, en recourant, par exemple, à la multichromie pour éviter les changements d’encre, ou encore à l’impression numérique pour limiter la gâche et le recours aux clichés. La recherche de solutions plus économes en énergie anime aussi des groupes de travail dans chaque usine. Pour accentuer notre positionnement environnemental, nous proposons désormais la collecte des dorsales sur site chez certains clients. Elle s’ajoute aux actions déjà menées par les entreprises depuis de longues années autour de la valorisation des déchets ou de la suppression des produits CRM. Enfin, nous sommes Imprim’Vert sur tous les sites et ISO 14001 chez Décomatic.
C. : Rencontrez-vous, comme beaucoup de confrères, des difficultés de recrutement ?
I. L. : C’est en effet une de nos problématiques. L’étiquette est une activité de niche peu visible et associée à l’imprimerie, secteur qui attire peu et peine à garder ses talents. Lorsqu’une entreprise d’imprimerie voisine ferme, nous ne parvenons pas à attirer les anciens salariés. Nous devrions collaborer davantage avec les représentants de l’imprimerie pour favoriser le reclassement des compétences. Nous avons des atouts à faire valoir. Chez Stratus Packaging, nous favorisons l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle avec des semaines de 4,5 jours ou 9 jours sur deux semaines pour les services de bureau, et nous adaptons les cycles de production aux attentes des opérateurs. Chaque nouveau collaborateur se voit attribuer un tuteur avec un plan d’intégration personnalisé. L’inclusion est également un sujet sur lequel nous portons la plus grande attention.
À Viriat, dans l’usine dédiée à l’IML, on retrouve Isidore Leiser, entouré de trois techniciens, devant la nouvelle ligne flexo.

UN GROUPE COMPOSÉ DE SEPT SITES DE PRODUCTION
- Stratus SEEC. Située à Viriat (01), cette société, créée en 1973, s’organise autour de deux sites de production, l’un dédié à l’étiquette et l’autre à l’IML.
Effectif : 140 personnes.
C’est également à cette adresse qu’est situé le siège social du groupe en France. - Stratus décomatic. Implantée à la Verpillière (38), cette entreprise, reprise en 2023, est spécialisée dans la fabrication de manchons étirables, d’étiquettes à livrets et de pochettes.
Effectif : 120 personnes. - Stratus Etinord. Situé à Hem (59), ce site, intégré en 2000, se concentre principalement sur les étiquettes agroalimentaires et les volumes importants. L’usine est certifiée BRC (British Retail Consortium).
Effectif : 40 personnes. - Stratus Digital Nord. Implanté à Avelin (59) mais rattaché juridiquement à Hem, ce site est spécialisé dans l’impression numérique. Anciennement nommé Etanord, jusqu’à sa reprise en 2019 à la suite de la défaillance du groupe Tillinvest, il était le principal concurrent d’Etinord.
Effectif : 20 personnes. - Stratus Health & Beauty. Située à Saint-Priest-en-Jarez (42), près de Saint-Étienne, cette société, issue du rachat de JPL en 2017, est spécialisée dans la fabrication des étiquettes pour les secteurs de la beauté et de la santé.
Effectif : 25 personnes. - Stratus Martin. Située à Feytiat (87), près de Limoges, cette entreprise, reprise en 2001, est dédiée à l’impression numérique.
Effectif : 40 personnes. - Koch AG. Implantée à Saint-Gall, en Suisse, cette société, reprise en 2022, produit des étiquettes adhésives, en flexo et en numérique, pour les secteurs agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique.
Effectif : 45 personnes.
STRATUS PACKAGING – CARACTERE – SEPTEMBRE 2024
Guillaume Prudent